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27 juin 2023 Retour à la liste

Peut-on engager la responsabilité d’une commune ayant délivré un permis de construire illégal ?

Public Urbanisme

Par principe, une décision illégale est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration.[1][2]  Ainsi, il est retenu par le juge administratif que sa responsabilité pouvait être engagée, notamment en cas de délivrance de permis de construire illégal. [3]

En ce sens, est considéré, par exemple, comme illégal, un permis de construire délivrée en zone inondable. Il convient toutefois de nuancer, en précisant que le juge a déjà pu estimer que si « l'Administration commet une faute en délivrant un permis de construire dans une zone qu'elle savait inondable, les victimes avaient elles-mêmes commis l'imprudence, eu égard à la situation de leur parcelle, de ne pas vérifier si celle-ci était exposée aux crues éventuelles du cours d'eau situé à proximité et cette attitude était constitutive d’une faute de nature à atténuer la responsabilité de l'État ». [4]

Egalement, est considéré comme illégal un permis de construire délivrer, sans prescriptions spéciales, dans une zone soumise à un risque. Les autorités compétentes doivent refuser les permis de construire lorsque la sécurité des personnes et des biens n'est pas assurée. Seuls doivent être pris en compte les risques qui étaient connus de l'administration au moment de la délivrance du permis.[5][6] Toutefois, si le juge constate que le constructeur ne s’est pas assuré par lui-même de la sécurité des lieux où il projetait d'implanter sa construction, cela attenue aussi la responsabilité de l’Administration. [7]

Dès lors qu’un préjudice est constaté, une action indemnitaire peut alors être engagée non seulement par le destinataire de la décision mais également par le tiers lésé, si le projet de construction est réalisé.[8] Plus précisément, il a donc droit, si le permis a été régularisé, d’obtenir réparation de tous les préjudices qui trouvent directement leur cause dans les illégalités entachant la décision. [9]

En somme, il convient de retenir que le juge n’indemnise que les préjudices qui ont directement et certainement un lien avec la délivrance du permis de construire illégal.

Parmi les préjudices qui peuvent être indemnisés, on peut retrouver les suivants :

Tout d’abord, le juge administratif indemnise les frais de construction engagés à compter du lendemain du jour de la délivrance des permis de construire illégaux, jusqu'au jour où le pétitionnaire a reçu notification par le préfet de son recours gracieux tendant au retrait du permis de construire.

Ensuite, le préjudice subi de la perte de la valeur vénale ou locative d’un bien peut aussi donner lieu à indemnisation.

Par ailleurs, les troubles de jouissance et de troubles dans les conditions d'existence ont déjà pu faire l’objet d’une indemnisation. Egalement, la réparation du préjudice morale est possible. Par exemple, la réparation du préjudice moral imputable aux « tracasseries administratives » résultant des comportements fautifs de l'administration, est admise[10] , ainsi que la situation d'incertitude du requérant[11], ou encore le fait d'être maintenu dans une fausse certitude[12].

[1] Dictionnaire Permanent Construction et urbanisme - Contentieux des autorisations d'urbanisme

[2] CE 14 déc. 1981, SARL European Homes, req. no 15499 , Lebon 471

[3] CE, 10 déc. 1943 : Rec. CE, p. 288CE, 24 nov. 1971 : Rec. CE, tables, p. 1238

[4] CE 2 oct. 2002, Min. Équipement, transports et logement c/ M. et Mme Grondin, req. no 232720

[5] CE, 29 juin 1992, n° 111070

[6] Dictionnaire Permanent Construction et urbanisme - Risques majeurs / Mise à jour de septembre 2022

[7] Rép. min. n° 13606 : JO Sénat Q, 17 mars 2005

[8] CE, 12 mai 1976, n° 85271

[9] CE, 24 juill. 2019, n° 417915

[10]CAA Paris, 1re ch., 29 janv. 2009, n° 06PA04099

[11] CAA Paris, 1re ch., 20 sept. 2007, n° 05PA01884

[12] CAA Nancy, 1re ch., 18 déc. 2008, n° 07NC01372.

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